INFO LE FIGARO - Le pharmacien qui a ouvert le premier site de vente de médicaments en ligne a déposé un recours pour lever les barrières imposées par le droit français.
C'est une bataille feutrée mais sans pitié que révèle Le Figaro. Phillipe Lailler, pharmacien à Caen et pionnier de la vente de médicaments sur Internet, a décidé d'attaquer l'ordonnance prise in extremis le 19 décembre par François Hollande, quinze jours avant l'échéance fixée par l'Europe, sur l'encadrement de la vente de médicaments sur Internet. À sa demande, le cabinet d'avocats Apéry & Associés a déposé le 18 janvier un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État. «En créant des limites qui n'étaient pas prévues par la directive européenne sur le sujet, la France ne respecte pas le droit européen», explique l'avocate Virginie Apéry-Chauvin.
La France a notamment décidé que seuls les médicaments figurant sur une liste limitative, dite «de médication officinale», pourront être vendus sur Internet. Celle-ci est fixée par l'Agence du médicament (ANSM). Une restriction qui ne figure pas dans le texte européen. En fait, cette liste ne concerne pas qu'Internet puisqu'elle fixe aussi les médicaments que les pharmaciens peuvent laisser «en accès libre» dans leur pharmacie.
La comparaison des prix facilitée
Mais une liste limitative est-elle légale? C'est toute la question que pose aujourd'hui le recours pour excès de pouvoir. De la décision du Conseil d'État dépendront les médicaments que les Français pourront acheter sur Internet. À condition que le gouvernement ne lui coupe pas l'herbe sous les pieds en légiférant rapidement, avant qu'il n'ait pu se prononcer. Pour l'instant, le pharmacien de Caen continue de vendre sur Internet des médicaments ou tests qui ne sont pas interdits par le droit européen, même s'ils ne figurent pas sur la liste franco-française des médicaments officinaux que l'on peut obtenir sur Internet. Par exemple des tests de grossesse, sur lesquels les marges des pharmaciens, et donc les prix pratiqués, sont très variables d'une pharmacie à l'autre. «C'est vrai que la vente sur Internet facilite la comparaison des prix pratiqués, ce qui ne plaît pas à tout le monde», remarque Phillipe Lailler.
Il affirme pourtant avoir été surpris par la levée de boucliers qu'a suscitée l'ouverture de la vente de médicaments sur le site de sa pharmacie le 14 novembre dernier. «J'aimerais que l'on se réunisse avec les syndicats et les pharmaciens qui ont démarré une activité de vente de médicaments sur Internet pour en discuter», confie-t-il au Figaro. À vrai dire, l'ambiance n'est pas vraiment à la discussion confraternelle.
La crainte de la fraude
Pour Isabelle Adenot, présidente du Conseil national de l'Ordre des pharmaciens (Cnop), «la vente par Internet ne supprime aucune des obligations habituelles du pharmacien»: conseil, confidentialité, continuité des soins, etc. Ils devront d'ailleurs être titulaires d'une officine «réelle» et disposer d'une autorisation en bonne et due forme accordée par l'Agence régionale de santé. Les internautes pourront aisément le vérifier car une liste officielle des sites autorisés figurera sur le site du Cnop. Les syndicats de pharmaciens sont tout aussi exigeants dans l'attente d'un arrêté ministériel qui devrait préciser les modalités de bonne pratique. Responsable de la communication de la Fédération des syndicats pharmaceutique de France, Jean-Luc Audhoui, pharmacien à Versailles, craint «l'apparition de faux sites» et une «incitation à la surconsommation de médicaments». Pascal Brossard, président de l'Association française de l'industrie pharmaceutique pour une automédication responsable, est prudent: «Les gens ont besoin du conseil du pharmacien. Même pour une cystite ou une migraine, il doit pouvoir orienter vers un médecin lorsqu'il le juge utile.»
Des craintes certes légitimes mais la réalité est que des sites étrangers de vente de médicaments existent déjà sur Internet. Pour Laurence Silvestre, pharmacien à Domène (Isère), qui possède un site de vente par Internet adossé à sa pharmacie, «il serait ridicule de limiter les sites de pharmaciens installés en France et de laisser proliférer des sites belges ou autres dont on ne sait rien!» Virginie Apéry-Chauvin se veut rassurante: «Théoriquement, les sites étrangers de vente en ligne doivent respecter la loi française.» De même qu'un pharmacien français qui vendrait des médicaments vers l'étranger se doit de respecter la loi du pays destinataire.
Entrave à la libre circulation des marchandises
Car s'il existe un vide juridique français, ce n'est pas le cas au niveau européen. En effet, depuis 2003, un arrêt de la Cour de justice des communautés européennes rappelle aux États membres qu'une interdiction absolue de vente de médicaments par correspondance constitue une entrave à la libre circulation des marchandises. Surtout, une directive européenne du 8 juin 2011 insiste pour que, à l'exception des médicaments soumis à prescription (ceux pour lesquels l'ordonnance du médecin est obligatoire), «les États membres veillent à ce que les médicaments soient offerts à la vente à distance au public». Avec seulement 455 médicaments «vendables en ligne», d'après la liste de l'Agence du médicament, la France y veille pour l'instant a minima.
http://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/01/24/19738-bataille-pharmacies-sur-internet
Rasta.
L'éternité c'est loin.