Citation : parmentier
Heureusement aujourd'hui, tout sera fait pour éviter que la seconde bulle actuelle ne débouche sur une baisse de la valeur des fonds: les pharmaciens séniors ont compris la leçon et en augmentant encore la demande (pharmaciens investisseurs et augmentation du NC de formation) en diminuant l'offre (regroupements et SEL), ils devraient réussir à éviter une baisse de la valeur des fonds, en dépit de l'érosion des marges.
Ça c'est toi qui le dit, quelques extraits du dernier moniteur :
L'heure du bilan... et de son dépôt
Paru dans Le Moniteur des Pharmacies, N° 2816 du 06/02/2010
Rubrique : Témoignages
Auteur(s) : ENQUETE COORDONNÉE PAR LAURENT LEFORT
Selon des prévisions pessimistes, en 2010 un pharmacien français déposera le bilan tous les 4 jours. Ce phénomène sans précédent dans la profession est amorcé depuis fin 2009. Nous sommes allés voir ce qui se passait dans différentes régions.
Il est fini le temps béni de la pharmacie. Triste refrain. Près d'une centaine de titulaires se sont retrouvés devant un tribunal en 2009. Bien sûr, c'est peu face aux 61 500 faillites d'entreprises répertoriées en 2009. Peu, mais inédit. « Selon nos observations sur le Bulletin des annonces civiles et commerciales, il y a eu sur le dernier trimestre 23 mises en redressement judiciaire, affirme Philippe Becker, responsable du département pharmacie de Fiducial Expertise. Après calcul au prorata, cela signifie qu'en année pleine, en 2010, le chiffre pourrait avoisiner 90 dépôts de bilan, soit une nette augmentation. Les pharmacies mises en redressement judiciaire sur le 4e trimestre 2009 sont majoritairement situées dans les Antilles et dans le nord-ouest de la banlieue parisienne. »
A son grand désarroi, Philippe Besset, président de la commission Economie de la FSPF, confirme ce chiffre inquiétant de faillites, prévisible depuis deux ans que l'économie de l'officine a viré dans le rouge. D'après des données communiquées par Interfimo, le nombre de liquidations judiciaires d'officines était déjà passé de 14 en 2007 à 27 en 2008, et le nombre d'officines redressées de 27 à 44.
La trésorerie ne cesse de se dégrader
Ainsi, chez les grossistes, les seuls services constamment en expansion sont ceux du contentieux. Nombreux sont aujourd'hui les pharmaciens qui n'assurent plus leurs échéances. En cause, la dégradation de la trésorerie. Il y a d'abord eu les diverses mesures gouvernementales qui ont pesé négativement sur l'activité des officines et rogné les marges comme la gangrène : baisse des prescriptions, déremboursements de médicaments, franchise de 0,50 euro par boîte, invasion des grands conditionnements... Puis, le coup de grâce pour les officines déjà fragilisées est venu de la loi de modernisation de l'économie (LME) qui impose des délais de paiement limités à deux mois, alors que les commandes sont passées pour stocker pendant cinq ou six mois. La mesure de trop. Tout cela ajouté à la crise du pouvoir d'achat.
Les banquiers ne font plus confiance aux titulaires
L'inquiétude peut se lire sur le visage de Philippe Besset. « L'augmentation du nombre de dépôts de bilan de pharmacie en 2009 n'est pas forcément l'indicateur le plus révélateur d'une crise car ce sont des procédures collectives lourdes », explique-t-il. Comme le rappelle Olivier Delétoille, du cabinet ArythmA, « les structures qui déposent le bilan sont d'abord celles dont les fonds de commerce n'ont pas pu être vendus à temps comme solution ultime ».
Un autre précieux indicateur traduit mieux l'état du moment. Il s'agit de la note de confiance attribuée à l'officine par le système bancaire. « Elle n'est plus aussi élevée qu'auparavant, ce qui témoigne de la capacité amoindrie des titulaires à surnager dans les difficultés. » Si celles-ci perdurent, Philippe Besset craint que le poste crédit fournisseur ne se tende à son tour.
La FSPF tient les gouvernements successifs comme seuls responsables de ce sinistre. « Les difficultés des pharmacies ne sont pas liées au contexte de crise globale de l'économie, le problème est structurel et trouve sa cause dans les plans successifs sur le médicament et la contraction des dépenses de santé », accuse Philippe Besset.
La Fédération accuse les pouvoirs publics
Les résultats d'exploitation du secteur officinal n'ont pas vraiment l'air de déplaire aux pouvoirs publics. « Quand on dit à l'Etat que les officines vont mal et que certaines mettent la clé sous la porte, on sent très clairement que c'est le but recherché. Nous n'accepterons pas que la régulation du réseau se fasse par l'étouffement des plus faibles, comme le préconise la Cour des comptes », lâche Philippe Besset. Le gouvernement aurait beau jeu d'être surpris lui qui, depuis trois ans, tire sans retenue sur la ficelle. Les chiffres de l'année 2008 rapportés par la FSPF étaient déjà alarmants : plus de 10 % des officines ont déclaré un résultat négatif et 36 % un découvert bancaire. La trésorerie, quant à elle, s'est dégradée de 11 000 Euro(s) en moyenne. La détérioration des officines déjà sinistrées en 2007 n'a fait que croître et embellir en 2008 : leurs trésoreries se sont dégradées bien plus que la moyenne, de 38 000 Euro(s). Sans attendre davantage, la Fédération a relancé en toute fin d'année 2009 l'enquête sur la trésorerie des officines, dont les résultats seront livrés lors de sa prochaine assemblée générale en mars. Même si les bilans n'ont pas encore parlé, les cabinets d'expertise comptable disposent au moins de résultats provisoires de l'exercice 2009 des pharmacies.
Une croissance de 0,66 % en 2009 par rapport à 2008
Les premières estimations de Fiducial Expertise, basées sur des bilans clôturés en cours d'année 2009, font ressortir une quasi-stagnation des chiffres d'affaires (CA). « La croissance est de 0,66 % par rapport à 2008 », indique Philippe Becker. Mais cette moyenne cache une crise latente : 48 % des pharmacies étudiées ont une baisse moyenne de 3,09 %. « La marge commerciale ne devrait baisser que très légèrement et même résister dans beaucoup d'officines », poursuit-il. Globalement, et du fait de l'« effet ciseaux » (accroissement de charges et très faible augmentation des CA), l'excédent brut d'exploitation diminuera selon toute vraisemblance de un point, ce qui représente en moyenne une perte de trésorerie de 15 000 Û par officine et par an !
La taille semble préserver davantage des difficultés. « Ce sont celles de plus de 2 MÛ qui s'en sortent le mieux », relève Lionel Canesi, expert-comptable au cabinet C2C Pharma. Ce que confirme Olivier Delétoille : « Pour les CA moyens supérieurs à 2,1 MÛ hors taxes, nous constatons une très légère hausse du taux de marge de 0,1 % conjuguée à une augmentation de l'activité, ce qui conduit à une progression intéressante de la marge en valeur de 2,49 %. Néanmoins l'augmentation de la marge n'est pas suffisante pour couvrir la progression des charges d'exploitation. Il s'ensuit que les officines ont enregistré une baisse de leur rentabilité en valeur de 0,41 %. En définitive, la rentabilité en valeur revient à son niveau de 2004. En tenant compte de l'inflation, les revenus bruts baissent donc. » Gilles Bonnefond, président délégué de l'USPO renchérit : « Des problèmes de trésorerie avec des incidents de paiement de plus en plus importants auprès des fournisseurs, c'est le premier signal d'alarme. »
Outre la taille, les structures et l'organisation deviennent des critères de plus en plus déterminants pour la pérennité de l'entreprise officine. Les pharmacies regroupées au sein des nouveaux modèles d'exercice (SEL) ont plus de moyens. « Localement, les contrastes sont notables », confesse Olivier Delétoille. Et de confirmer que les pharmacies les moins vulnérables sont celles atteignant une certaine taille ou travaillant réellement de manière groupée pour offrir un meilleur service, amortir les frais fixes et/ou obtenir des conditions d'achat meilleures ; celles « surfant » sur un environnement local favorable au plan commercial (transfert, travaux, redynamisation du quartier, incompétence du prédécesseur...) ; celles ayant amélioré leur gestion. Quant aux pharmacies les plus petites, elles ont subi des baisses significatives de rentabilité en valeur.
Le dépôt de bilan apanage des nouveaux titulaires
Autre grand responsable des faillites : le niveau atteint par les prix des officines. Les experts-comptables sont formels : ce sont celles qui sont surendettées qui souffrent le plus aujourd'hui. « Les dépôts de bilan touchent principalement les primo-accédants qui ont bâti leurs prévisions sur des évolutions plus favorables de leur activité ainsi que ceux qui ont acquis à un prix trop élevé leur fonds de commerce », signale Philippe Becker. « Les pharmacies les plus en difficulté sont celles qui ont été acquises il y a 3 ans, au plus haut du marché (plus de 110 %), avec des taux d'intérêt très faibles donc difficiles à refinancer, et avec des prévisionnels intégrant une hausse élevée du chiffre d'affaires », complète Lionel Canesi. Sans lien apparent avec la taille. « On y rencontre des pharmacies de taille importante et pas forcement celles de petite taille, que l'on annonce pourtant parfois un peu vite en voie de disparition. » Preuve qu'en l'absence de crédit, elles survivent.
Olivier Delétoille partage la même analyse : « Rien de nouveau sous le soleil ! Primo : il y a le lot des pharmaciens récemment installés, et donc endettés, qui ont acheté leur outil de travail à un prix trop élevé, en dépit des potentialités réelles de rentabilité. Ce scénario classique est, dès le départ, à inscrire dans les chroniques des morts annoncées, alors même que des banquiers aient pu accompagner le financement. Une nouveauté néanmoins : ceux qui avaient fait cette erreur d'appréciation pouvaient, jusqu'à il y a encore un an ou deux, s'en tirer en revendant leur affaire avant que la situation ne devienne véritablement inextricable au plan financier. Mais, depuis, l'environnement a bien changé, le marché de la transaction est beaucoup moins porteur et spéculatif, et la sortie de crise par la revente est une situation de plus en plus laborieuse à mettre en oeuvre. Secundo : certains pharmaciens sont incapables de s'adapter à une évolution simple de leur environnement et, pour être tout à fait clair, travaillent mal et/ou pas assez et/ou prélèvent trop ! »
2010, années de toutes les incertitudes
Lionel Canesi s'attend en 2010 à une augmentation des pharmacies en procédures collectives : « La crise économique qui rend les partenaires de la pharmacie plus frileux ne devrait pas atténuer cette tendance. » Et de mettre solennellement en garde : « Les pharmacies qui étaient en difficulté en 2008 et qui n'ont pas pris en 2009 les mesures économiques pour assurer leur solvabilité sont très exposées au risque du dépôt de bilan en 2010 du fait de la dégradation des trésoreries. »
Les prévisions de Philippe Becker ne sont guère plus optimistes : « Indiscutablement, la situation sera également tendue sur les deux premiers trimestres 2010 car nous ne voyons pas à court terme de relais de croissance tant sur le chiffre d'affaires que sur les marges. La seule variable d'ajustement étant les frais de personnel, les pharmaciens doivent donc, dans une situation qui leur est objectivement défavorable, regarder leur ratio "masse salariale sur chiffre d'affaires" et réagir rapidement si nécessaire. » Et certains l'ont malheureusement déjà fait. Ou vont le faire. Une enquête de l'UNPF, publiée en juillet dernier, montrait que 40 % des officines avaient touché à leurs effectifs au cours des douze mois précédents : 17 % les avaient réduits et comptaient le refaire, 22 % l'avaient fait et allaient s'arrêter là, et 21 % n'avaient rien fait mais l'envisageaient. En juillet 2009, Catherine Morel, secrétaire générale de l'UNPF et titulaire à Arras, déclarait au Moniteur(n° 2788) qu'il fallait s'attendre à une baisse de 5 % des effectifs et de 3 % de la masse salariale en 2009. « Ce qui va primer, ce sera la réactivité car cette situation peut durer », complète Philippe Becker.
Message édité par : caiuscrocus / 11-02-2010 16:31