USAGES DETOURNES DU SUBUTEX
Une formation proposée par :
USAGES DETOURNES DU SUBUTEX
PLAN D’ACTION NATIONAL DE L’ASSURANCE MALADIE
En France entre 150000 et 180000 personnes consomment régulièrement des opiacés. [1]
De toutes les drogues, l’héroïne passe pour être la plus dure et la plus dangereuse pour la santé publique [2].
Après des débuts difficiles, les traitements de substitution aux opiacés (méthadone et buprénorphine haut dosage) ont été développés pour lutter contre la toxicomanie, et ceci dans le cadre d’une politique de réduction des risques.
Les bénéfices apportés en France par cette innovation sanitaire sont indéniables :
Des usages détournés du SUBUTEX® (nom commercial de la buprénorphine haut dosage (BHD)), sont hélas à déplorer : utilisation intra veineuse, surdosage, trafic, associations dangereuses (alcool, benzodiazépines), primo consommateurs...
La médiatisation récente de ces usages détournés du SUBUTEX® risque de nuire à l’image d’efficacité de ces traitements.
Les conséquences sanitaires de ces détournements sont graves et parmi elles, l’existence de primo consommateurs de BHD, sans dépendance antérieure aux opiacés, ce qui est bien entendu contraire aux objectifs de l’instauration des traitements de substitution, mais aussi intolérable d’un point de vue éthique.
La relative facilité d’accès au traitement par SUBUTEX® a permis de rendre disponible un traitement de substitution à de nombreux toxicomanes, mais les effets pervers sont nombreux, parmi eux l’existence d’un trafic de SUBUTEX®.
Ce trafic serait alimenté par des poly prescriptions en toute méconnaissance des prescripteurs et des dispensateurs.
Seule l’Assurance Maladie (AM) a les moyens de connaître ces patients déviants qui alimentent le marché noir, et cette dernière a engagé depuis début 2004 des contrôles renforcés pour le suivi des traitements de substitution.
LE PLAN D’ACTIONS NATIONAL DE L’AM
Le plan d’actions national de l’AM, lancé en 2004, pour lutter contre les abus et les fraudes liés au trafic, au mésusage des TSO, comporte deux volets : un volet contrôle et un volet qualité de prise en charge.
Le volet contrôle
Les patients sont tout d’abord « ciblés » selon plusieurs indicateurs.
Les patients « suspects » sont convoqués, et s’ils refusent de se présenter et/ou de s’engager dans une prise en charge encadrée, ou s’ils persistent dans ce comportement, le remboursement des MSO est suspendu, en vertu de l’article L315-2 du CSS.
Mais la majorité des patients ont recours à une procédure de dispense d’avance des frais (80% bénéficient de la CMU (Couverture Maladie Universelle) ou de l’exonération au titre de l’ALD30 (Affection Liste longue Durée)). [14]
Il a donc été prévu une adaptation au principe de garantie de paiement définie à l’article 3.1 de la convention Sésame Vitale, avec les pharmaciens. [45]
Lors de la remise en cause du traitement, la Caisse de remboursement notifie à l’assuré une suspension du droit aux prestations en rapport avec le traitement de substitution. Elle informe alors les pharmaciens qui ont été impliqués dans la thérapeutique du patient, au cours des six derniers mois, individuellement par courrier. Ceux-ci ne peuvent plus alors pratiquer la dispense d’avance des frais, pour cette prestation donnée.
Les personnes identifiées comme revendeurs non consommateurs seront-elles, poursuites sur le plan pénal. Ainsi la CPAM de Toulouse a porté plainte en 2004 contre une quinzaine d’assurés sociaux « dont la consommation abusive laissait soupçonner qu’ils revendaient les médicaments achetés aux frais de la Sécu ». [H]
Dans le cadre de cette enquête, 5 pharmaciens ont été placés en garde à vue avant d’être mis en examen pour non respect de la législation des stupéfiants, ce qui a pu, selon les autorités judiciaires faciliter les trafics de ces médicaments. [46]
Ainsi, les professionnels de santé (PS) peuvent également être contrôlés et ceux qui auraient un comportement répréhensible (fraude, abus de prescription ou de délivrance), pourront être alors poursuivis devant les instances pénales et ordinales.
Le volet qualité
Il consiste en la définition du protocole de diagnostic et thérapeutique, au sens de l’article L324-1 du CSS.
Cet article prévoit de subordonner le remboursement des prestations au respect d’un protocole de soins, élaboré avec le Médecin traitant, pour des patients bénéficiant de soins continus supérieurs à 6 mois. (Les patients sous traitement de substitution entrent dans ce cadre puisqu’il n’y a pas de durée optimale pour un TSO [8]).
Dans le cadre de ce protocole, le patient sera incité à désigner un seul médecin et un seul pharmacien, avec des possibilités d’assouplissement quand le patient est en vacances.
Le protocole est signé par le patient (protocole personnalisé de soins), qui s’engage à respecter le « contrat » établi avec le Médecin conseil et le Médecin traitant, sous peine de suspension des prestations ( remboursement des MSO).[15]
Ce plan a été approuvé par la Direction générale de la santé et la Direction de l’hospitalisation, après la consultation des sociétés savantes, des associations et du MILDT. [47]
Ce qu’en pensent les syndicats de pharmaciens d’officine
Cette procédure a été établie avec l’accord de 2 syndicats de pharmaciens d’officine (FSPF et UNPF), signataires de la convention Sésame Vitale, à la condition que le champ d’application de ce dispositif soit limité aux MSO détournés de leur usage.
Un syndicat de pharmaciens d’officine (USPO) s’y oppose et appelle à la « résistance ». Il invoque pour cela plusieurs raisons :
De plus, rien n’empêche le patient suspect de se faire délivrer le SUBUTEX® par de nouvelles pharmacies, qui n’auront pas été prévenues par la CPAM, de la suspension des prestations. Muni de sa carte vitale à jour, il pourra alors bénéficier du tiers payant, sans que rien ne s’y oppose. L’idéal aurait été que ce patient ne puisse pas bénéficier non plus de prescription, mais non seulement cela est irréalisable (tous les médecins ne peuvent pas être avertis), mais surtout cela pose des problèmes d’éthique.
CONCLUSION
Nul ne conteste que les dérives observées reposent sur l’accessibilité du SUBUTEX®. La grande disponibilité observée hors prescription implique qu’un grand nombre de prescriptions ne correspondent pas à de réels traitements.
Mais comment un médecin peut il refuser une prescription ? De même il est difficile aux pharmaciens de refuser une délivrance? Pourtant, il est évident que seule une modification de la dispensation permettrait de freiner ces dérives.
Ces usages détournés nuisent à l’image d’efficacité des traitements de substitution dont les effets bénéfiques en terme de santé publique sont indéniables, et risqueraient de détourner la politique de substitution de ses objectifs originels de réduction des risques (ex : les pratiques d’injection du SUBUTEX®).
Le plan d’actions national de l’Assurance Maladie est un moyen de contrôle de ces usages détournés, mais encore faut il que les actions menées n’entraînent pas une réduction de l’accessibilité aux soins qui doit être au contraire élargie.
Néanmoins rien ne pourra se faire sans l’adhésion des patients.
Des réponses restent aussi à apporter aux mésusages tels que les surdoses ou l’injection intraveineuse du SUBUTEX®, qui ont des conséquences sanitaires graves chez le patient. Car nous pourrions considérer ces mésusages, non pas comme des abus mais comme des échecs thérapeutiques.
De nombreuses pistes sont à l’étude, comme par exemple une forme injectable de traitement de substitution pour les toxicomanes dépendants à l’injection.
Toujours est il que les médicaments de substitution aux opiacés ne sont qu’un volet du traitement de la toxicomanie, et que l’on ne peut que s’interroger sur la faiblesse de la prise en charge psychosociale de ces patients qui est primordiale pour la réussite du traitement.
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